La contre-ingérence militaire face au durcissement de la menace

En première ligne de cette lutte de l’ombre : la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD). Explications avec son directeur, le général Philippe Susnjara.
Depuis 2008 et l’actualisation du Livre blanc sur la défense, la contre-ingérence s’est imposée comme un pilier stratégique de la sécurité nationale. Moins visible que l’action militaire, elle n’en est pas moins cruciale : prévenir toute atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation sans confrontation directe.
À la manœuvre, la DRSD, service de renseignement du ministère des Armées. Chargée de la protection des forces, des informations sensibles, des matériels et des industries stratégiques, elle opère sur un périmètre étendu, couvrant près de 4 000 entreprises et des dizaines de laboratoires. Son directeur, le général Philippe Susnjara, rappelle la ligne de conduite du service : « Notre devise, « renseigner pour protéger », résume bien notre action. Nous croisons les menaces et les vulnérabilités selon le prisme TESCO : terrorisme, espionnage, sabotage, subversion, crime organisé. »
Le contexte sécuritaire actuel est marqué par une radicalisation croissante de la société. « Aujourd’hui, notre point d’attention est la convergence des luttes entre différents types de groupuscules », explique le général, citant notamment les alliances de circonstance entre militants antimilitaristes et pro-palestiniens.
Parallèlement, les États réaffirment leurs ambitions. « Ce qui caractérise ce retour, c’est la désinhibition générale des États pour agir au service de leurs intérêts », observe le général Susnjara. Des intérêts qui touchent notamment les capacités militaires, les technologies de rupture ou encore l’intelligence artificielle. Les moyens d’action sont variés, de la collecte illégale d’informations jusqu’à l’utilisation du droit extraterritorial à des fins d’ingérence.
La transformation numérique accentue la complexité des menaces. Réseaux sociaux, logiciels espions, cyberattaques et ingénierie sociale constituent un terrain d’action privilégié. « Une simple veille sur Instagram peut suffire à localiser un individu, connaître ses habitudes et ses proches. C’est de l’ingénierie sociale appliquée. »
Face à cette réalité, la DRSD adapte ses moyens. Red Team, détection de signaux faibles, recours à des outils combinatoires et d’intelligence artificielle… « Il ne faut pas réparer un grillage tous les jours, mais éviter qu’un trou y soit fait », souligne le directeur. La DRSD agit également sur le terrain, au plus près des forces, et participe aux grands exercices de l’Otan et aux déploiements opérationnels en Europe.
Pour accompagner cette montée en puissance, les moyens humains et budgétaires sont en hausse : de 1 600 agents actuellement à 2 300 d’ici 2030, avec un budget porté à 30 millions d’euros. « Nous devons avoir une vision systémique de la protection. Il n’y a plus de cloison entre physique, cyber et informationnel.